
Par Nathalie Dassa
Adoubé par les plus grands cinéastes, comme Francis Ford Coppola et Steven Spielberg, convoité par les collectionneurs, les fans et les cinéphiles, l’illustrateur et graphiste belge a réussi en dix ans à conquérir le tout-Hollywood et à redonner sa grandeur d’âme à l’Art de l’affiche de cinéma. Metropolis, Jaws, Apocalypse Now, Titanic, Vertigo, Shining, Breakfast at Tiffany’s… Son portfolio est monumental et déborde de créativité. Raconter une histoire dans une image, tel est son leitmotiv, avec au cœur une passion motrice, le rétrofutur. Rencontre avec cet artisan ingénieux dont les affiches alternatives, à la fois vintage et modernes, revisitent avec maestria des œuvres classiques et cultes, ancrées dans le cinéma patrimonial, l’imaginaire collectif et la pop culture.
Comment est née cette envie de concilier graphisme et cinéma pour des conceptions alternatives qui ont tracé votre trajectoire professionnelle ?
Par le fruit du hasard. Je n’ai pas eu la volonté dès le départ de travailler dans le domaine du cinéma. J’ai démarré en concevant des illustrations centrées sur une de mes passions, le rétrofutur. Comme j’ai une formation de graphiste, j’ai toujours aimé créer des images avec de la typographie. J’avais besoin d’imaginer des univers car au démarrage de ma carrière, mes différents métiers étaient inintéressants. Le cinéma est arrivé assez tard finalement, j’ignorais totalement cette niche d’affiches alternatives, de collectionneurs. Ce sont les éditeurs américains qui ont découvert mon travail via mes premières illustrations publiées dans un magazine. Et ce monde merveilleux m’est apparu. On m’avait proposé de concevoir une première affiche avec Charlie Brown, puis Métropolis a suivi. Les gens ont très vite aimé. J’ai pris conscience que je maitrisais le langage de l’illustration par le septième art.
Qu’est-ce qui vous anime dans l’acte de création ?
Pour moi, il s’agit surtout de décalage social. Ma période scolaire a été difficile et je me suis réfugié dans le dessin. Je me suis rendu compte que je me sentais plus spécial que les autres car finalement très peu de personnes dessinent. C’était très fort en moi dès mes huit ans, et cela ne m’a jamais lâché. J’ai ensuite tout fait pour ne jamais avoir de plan B. L’école ne m’intéressait pas, excepté cette discipline dans laquelle j’excellais. Quelque part, j’étais condamné à réussir. Ce qui m’anime, c’est vraiment le plaisir de dessiner, de me retrouver dans ma bulle, dans mon monde, et de créer ma vision du monde.
Vous avez été remarqué grâce à l’affiche François à l’américaine, en hommage à Jacques Tati, puis repéré par la réputée Galerie Mondo à Austin, Texas, et vous avez su séduire Steven Spielberg qui vous a commandé plusieurs affiches de Jaws. Comment s’est déroulée cette période ?
Tout est allé très vite. Pour François à l’américaine, un ami m’avait proposé de participer à une exposition collective, Tati and Friends, sur le thème de Jacques Tati, à la Maison de l’Image à Bruxelles. J’avais peu vu ses films à l’époque. Je me suis alors demandé comment détourner son univers et l’attirer vers le monde qui m’intéresse, le rétrofutur. L’affiche est très urbaine et n’a pas grand-chose à voir avec Jour de Fête : New York est en toile de fond avec des véhicules designés street night. Je me suis fait plaisir, elle est vraiment décalée. Au vernissage, les héritiers de Tati, Jérome Deschamps et Macha Makeïeff, sont venus me dire que mon affiche était leur préférée. Involontairement, j’avais visé juste. J’ai compris que j’avais peut-être un sixième sens dans ce domaine. Ils m’ont ensuite proposé une collaboration pour la concevoir de manière officielle. Cette affiche gratuite, pour le plaisir, a ainsi été certifiée sous licence Les films de Mon Oncle. Elle était positive et importante, car tout est arrivé en même temps. Une bonne image, conçue de manière libre, sans calculer, peut agir comme un ambassadeur. L’approche vintage a apporté du neuf comme une relecture.
J’ai découvert ensuite la Galerie Mondo et ses affiches merveilleuses par l’intermédiaire d’un ancien galeriste. J’ai aussitôt eu envie de collaborer avec eux, car c’est le top du top. Quelques jours après, j’ai reçu un mail de leur part, et ma vie a changé en une fraction de seconde. Je faisais jusqu’ici un boulot exécrable dans la communication institutionnelle, qui m’a permis malgré tout de savoir décortiquer des thèmes et des sujets particuliers. La première commande fut un défi avec ce film génial, Le Géant de Fer, mais une version exceptionnelle avait été conçue par un illustrateur américain. J’ai compris qu’il s’agissait d’un examen de passage. J’ai donc essayé d’imaginer quelque chose de différent, d’original, de nouveau, avec ma propre vision. Je l’ai donc envisagé comme une oeuvre naturaliste, et j’ai conçu un travel poster. Cette création est devenue un moment pivot dans ma carrière. Ce qui est passionnant avec les Américains, c’est qu’ils comprennent très vite comment vous travaillez et ce que vous avez envie de faire.
Mondo m’a ensuite confié l’affiche de Jaws. À l’époque, il n’en existait qu’une, celle très graphique de Tom Whalen. Ce fut encore un sacré challenge. Le poster officiel est tellement marquant, fort, iconique. Il est gravé dans notre cerveau. Comment passer derrière ? J’ai d’abord refusé la proposition, tout en griffonnant une idée de dessin avant de les rappeler. Ils ont adoré l’idée de ce quartier de parasol qui symbolise l’aileron du requin. Mon concept allait à l’opposer de ce qui était attendu. Je me suis concentré sur des éléments secondaires qui évoquent le film, comme le phare, la plage, le parasol. Je mets ainsi en lumière un autre aspect de l’histoire tout aussi important : je raconte la peur de l’eau. Je joue sur le décalage en évoquant la genèse. Mon éditeur chez Mondo a reçu un mail d’un collaborateur de Steven Spielberg qui a adoré l’affiche et en a commandé 25 pour lui et ses amis proches. Ce n’était jamais arrivé. Pourtant la galerie avait déjà conçu plusieurs posters pour Amblin. Même l’acteur Robert Downey Jr. en a commandé une. Dire qu’au départ, cette affiche avait été détestée, considérée comme trop vieillotte, sans requin. J’ai compris que j’avais réussi mon coup.
Vos affiches sont narratives mais aussi conceptuelles. Comment pensez-vous l’idée, l’angle, l’atmosphère ?
La narration a toujours été très importante. J’aime raconter une histoire dans une image. Cette inspiration est venue directement de l’illustrateur Norman Rockwell, l’une de mes idoles. J’aime décrypter et imaginer une histoire. Je prends comme exemple l’affiche que j’ai réalisée pour Titanic. Je la considère comme une de mes créations conceptuelles les plus réussies. Vu d’en haut, on regarde les entrailles de la mer où se dévoile le bijou, Le Cœur de l’Océan, qui dessine un décolleté. L’idée est simple mais ce collier n’a jamais été utilisé dans les affiches graphiques du film. Cet aspect n’intéressait apparemment personne, sauf moi. Cet élément m’a permis de raconter l’histoire autrement.
Ce sont d’ailleurs les premières questions que je me pose : A-t-on tout dit sur un film ? A-t-on vraiment dit ce qu’il fallait dire ? Car je pense que le marketing empoisonne les concepteurs. Les affiches sont validées par les distributeurs qui se demandent si elles vont faire venir les gens en salle. J’ai la chance de n’avoir aucune pression financière. Je peux donc aller au cœur du sujet. Je me base sur le film et sur la dissection du scénario en mettant de côté des éléments parallèles qui font tout autant avancer le récit. Je suis un instinctif, et je ne fais pas une affiche pour l’esthétisme, elle doit rester en cohérence avec ce que j’ai envie de raconter.

Comment gérez-vous ce travail technique entre logiciel, palette chromatique et typographie ?
Une bonne idée doit tenir sur un petit croquis. Chacune de mes affiches part d’un petit dessin basique. Si cette mouture, esquissée à la va-vite, avec des couleurs choisies spontanément, fonctionne, l’affiche fonctionnera quoi qu’il arrive. Ce filtre me permet de le savoir à l’avance. Une fois que ce croquis est validé par les éditeurs, les ayants droit ou les studios, je redessine mon image entièrement. Je crée mon décor et mes éléments sur ma palette graphique.
Il est également très important pour moi de ne pas sentir l’ordinateur en gardant l’aspect vintage. Je travaille sur le logiciel Manga Studio, renommé aujourd’hui Clip Studio Paint, qui me permet d’avoir des outils spécifiques. J’importe ensuite l’ensemble sur Photoshop où j’intègre mes trames, mes griffes. C’est très fastidieux. Je dois être le seul à travailler de cette manière. Ma méthode se scinde ensuite en deux aspects : mécanique (pierre, brique, métal, verre…) et organique (peau, arbre, eau…). Les couleurs viennent ensuite grâce à la narration. Je les applique narrativement comme un chef opérateur.
Je m’occupe ensuite de la typographie. Elle doit participer à l’histoire et faire bloc avec l’image. C’est une voix. Doit-elle crier ou chuchoter ? Doit-elle être moderne ou vintage ? En tant que graphiste, c’est un questionnement perpétuel. Un équilibre permanent entre ce qu’on raconte et comment on le raconte. Je travaille ainsi en collaboration avec mon frère jumeau, Jack, c’est sa profession. Le collaborateur parfait (rire). L’affiche de Jaws fonctionne complètement. Une image très douce, qui n’est pas dans l’horreur, avec une typographie des années 70, très pointue, coupante comme des lames de rasoir. Le mot « Jaws », sur quatre lettres, doit être beau graphiquement. Celle de Psychose est très dense, riche, narrativement forte, avec un concept central, et la typographie reste sobre, sa voix est chuchotante. Se construit alors un dialogue entre la puissance d’un visuel qui crie et le titre qui chuchote.
Vous avez fait paraître votre premier ouvrage, Mirages – Tout l’art de Laurent Durieux, en novembre 2019, préfacée par Francis Ford Coppola. Qu’est-ce qui vous fascine tant dans cette Amérique du XXe siècle, imaginaire, rétrofuturiste et cinématographique ?
Mon rétrofutur est très américain car ils ont des artistes et des designers merveilleux. Je pense à Raymond Loewy, d’origine française mais adopté par les Américains. Mon regard reste toutefois universel. Mais il est vrai qu’il est plus gai de dessiner des automobiles américaines des années 1950 qu’une Daihatsu des années 2020. J’aime néanmoins la ligne de la DS française, car il y avait une recherche dans la singularité. Aujourd’hui, le marketing façonne tout, avec des études de marché sur ce que les gens sont supposés aimer avoir ; le plus sûr moyen de créer de la médiocrité. Le marketing est né au milieu des années 1950, mais la première moitié du XXe siècle était libre. C’était le talent, l’originalité, la singularité.
Je ne suis pas pour autant passéiste. Je m’intéresse au passé en proposant une relecture moderne dans mon travail. L’émotion est au centre. Je me sens bien quand je peux aborder la mélancolie et la tristesse d’un film. C’est la raison pour laquelle j’aime le rétrofutur ; un monde qui n’existe pas, n’a jamais existé et qu’on aurait aimé avoir. Les rêves d’un futur meilleur, la vision d’un enfant où tout est possible. J’ose espérer qu’on retrouve dans mes illustrations cette idée de l’enfant qui joue. Les couleurs sont vibrantes, les objets merveilleusement designés. Le cinéma et le rétrofuture font rêver.
Ce livre m’a ainsi permis de raconter ce que je voulais avec tous les éléments graphiques dont je rêvais. J’ai travaillé avec Nicolas Tellop, essayiste et écrivain génial. J’ai pu obtenir l’avant-propos de Francis Ford Coppola, car il y a une connivence entre lui et moi. Il avait utilisé pour son vignoble certains de mes visuels pour les étiquettes de sa collection de bouteilles de vin « Director’s Great Movies ». Comme celle de Jaws, car poisson et vin blanc se marient très bien ensemble (rire).

Vous avez évoqué Norman Rockwell. Quelles sont vos inspirations et influences importantes ?
Mes vraies influences restent Norman Rockwell et Edward Hopper. Mais j’aime profondément Moebius, François Schuiten, les illustrateurs-graphistes des années 1930-40, comme Antonio Petrucelli qui concevait des couvertures prodigieuses pour le magazine Fortune, ou encore Hasui Kawase, peintre japonais et graveur sur bois. J’ai également été très influencé par les papiers peints panoramiques des châteaux, avec ces scènes de campagne. Ce fut un choc visuel. Une technique somme toute ringarde mais en la mêlant au rétrofuture, le rendu est inattendu et moderne. J’aime aussi les dessinateurs publicitaires et les couvertures du New Yorker du début du XXe siècle. Mais plus que des influences, je me sers surtout de leur talent pour me régénérer. Quand je regarde une image de Rockwell ou de Moebius, je me répète sans cesse que je ne travaille pas assez. Ce sont des génies absolus.
Aujourd’hui, les affiches sont formatées et codifiées par couleur, par posture. Pensez-vous que les posters alternatifs sont un marché parallèle plus inspirant et lucratif que les posters officiels ?
Oui, car il y a une liberté et une magie du dessin qui permettent de raconter le film sous un autre angle. Quand on regarde une affiche dessinée, elle a plus d’attrait lié à l’histoire de l’art. Je pense que l’âge d’or des affiches de cinéma s’arrête au début des années 1980. Je ne parle pas des années 90 car l’ordinateur et les logiciels, comme Photoshop, faisaient leur entrée. L’artistique et la vision de l’artiste a dès lors disparu de l’affiche, même s’il y a des exceptions, comme Drew Struzan.
Aujourd’hui, elles relèvent du commerce, pour vendre un film. Les miennes relèvent de l’art populaire, elles ne poussent pas les gens à aller au cinéma, mais plutôt à revoir les films ou à les découvrir autrement. Je crée une connivence, en jouant avec les codes et les réflexes qu’on peut avoir à décoder une image. Les distributeurs sont de plus en plus frileux car des budgets colossaux sont en jeu, avec une ou plusieurs stars renommées qu’ils souhaitent en grand sur l’affiche. C’est ce que j’ai essayé de faire avec celle de The Master. Et c’est ce qui est excitant : créer une affiche officielle originale sans perdre son âme. J’aime aussi Adoration que j’ai conçue pour le réalisateur belge Fabrice du Welz.
Quelles sont celles officielles que vous estimez réussies et pourquoi ?
Birdman, car je la trouve courageuse, et le film fut un grand succès. The Lobster est originale et singulière. Celles de Gaspar Noé entremêlent l’audace et l’esthétisme. Wonder Wheel donne à la fois envie de l’avoir dans sa chambre et de découvrir le film.
Et les vôtres ?
Jaws, sans hésiter. Et celles d’Apocalypse Now que j’ai créées pour le cinéma en version restaurée et la sortie en support physique. Elles sont à la fois fortes visuellement, esthétiques et commerciales. J’aime aussi Furyo que j’ai réalisée pour le vinyle, et la couverture de Chroniques Martiennes pour la réédition du roman de Ray Bradbury, le plus grand écrivain de science-fiction.
Avez-vous des œuvres que vous rêvez encore de concevoir ?
C’est difficile. J’ai eu la chance de réaliser tout ce dont j’avais envie. J’ai travaillé avec mes idoles, créé les affiches de films que je voulais, sorti un livre. J’ai même réussi à collaborer et devenir ami avec François Schuiten, star belge de la bande dessinée mondiale. J’étais fan de son travail quand j’étais étudiant. J’ai mis en couleur l’album Le Dernier des Pharaons de Blake et Mortimer, aux éditions Dargaud, qu’il a coécrit avec le réalisateur Jaco van Dormael et l’écrivain Thomas Gunzig. J’aimerais peut-être aujourd’hui revenir à des illustrations plus personnelles, comme la couverture de Mirages, qui fait partie d’un de mes projets. Imaginer une série d’images qui racontent une histoire, comme des Art Print, en détournant plusieurs éléments, anachroniques et de cinéma. J’aimerais aussi concevoir des pochettes de disques pour des labels ; ce que je faisais dans les années 90. Partir en quête d’un nouveau public.

Selon vous, qu’est-ce qu’un chef-d’œuvre ?
Une illustration bien pensée, composée, réalisée, originale, qui vous fait réfléchir sur le monde. Je pense par exemple à cette illustration de Norman Rockwell, Le Grand Départ (Breaking Home Ties), parue dans le magazine The Saturday Evening Post en 1954. On y voit un père et son fils assis, à côté d’une valise. Le fils s’apprête à aller à l’université. Ce sont des fermiers. Le père tient son chapeau, il a les mains calleuses, noires avec les ongles rongés. Le fils à un costume trop petit, on devine qu’il a grandi trop vite. Son chien pose sa tête sur ses genoux. La maman est absente du cadre. À l’avant-plan, on aperçoit un bout de rail de train… Tout dans cette image est un chef-d’œuvre : la composition, ce qu’elle raconte, la technique. C’est prodigieux quand on se retrouve devant ce type d’image, que j’ai eu l’occasion de voir en vrai. On a la larme à l’œil.
J’adore aussi la Pompe à essence d’Edward Hopper (Gas, 1940), qui n’a fait que des chefs-d’œuvre. Ou les images magnifiques de Carl Larsson. L’émotion est vraiment très importante pour moi. Au cinéma, Voyage au bout de l’enfer (The Deer Hunter), que j’ai découvert à 11 ans, a été un choc émotionnel. Vertigo d’Alfred Hitchcock est un chef-d’œuvre. Tout comme la filmographie entière de Stanley Kubrick.
Pourquoi l’art est-il si important dans nos vies ?
Je ne peux pas imaginer la vie sans art. S’il n’y a pas de poésie, d’émerveillement, un horizon différent, elle peut devenir très vite triste, pauvre et bête. L’art, c’est lire la vision du monde différemment. C’est s’émerveiller d’une composition, d’un propos, d’un petit pli d’une robe d’une jeune fille dans un tableau de Carl Larsson, d’un traitement de lumière dans ceux d’Edward Hopper. Et l’art populaire, plus particulièrement, peut émerveiller tout le monde. Un jeune peut démarrer une collection et s’intéresser au dessin, à la composition.
J’aime l’art avec un grand A, et l’art populaire pour son accessibilité à tous. Il n’y a pas de caste ni de dogme. J’aime le pop art, façon Warhol, car c’est ancré en moi. Je suis aussi grand fan d’Anish Kapoor, l’un des plus grands artistes contemporains, car il est dans le spectaculaire. Tout comme Wim Delvoye. J’aime aussi le land art d’Andrew Goldsworthy qui joue avec la nature. C’est merveilleusement poétique. Ou l’art cinétique de Theo Jansen. Je me considère comme un artisan, j’ai tout appris de ces maîtres.
Vos illustrations relèvent-elles de l’artisanat ?
Oui, j’aime l’idée de l’artisanat car je construis mon image comme un artisan, un peu péniblement, durement, pour que ce soit joli à regarder, à décrypter. J’essaie toujours de collaborer avec des galeries qui ont une vision jusqu’au-boutiste du métier. Chaque détail compte. Toutes mes affiches sont imprimées en sérigraphie. On crée des images sur un ordinateur avec des logiciels dernier cri, pour un public qu’on ne rencontrera pas, et vendues sur une plateforme. Mais elles sont aussi imprimées par des artisans sur du vrai papier, et livrées à des passionnés qui éprouveront une vraie émotion. C’est une boucle vertueuse. Les artisans choisissent les couleurs et les appliquent. C’est de l’artisanat chaleureux, humain, avec ses qualités et ses défauts. Sur l’écran, les affiches sont séduisantes, mais en vrai, c’est impressionnant. De la matière à la vibrance des couleurs de la sérigraphie, le rendu est inouï.
Quels sont vos projets ?
J’ai une série d’affiches à concevoir dont La Nuit du Chasseur (The Night of the Hunter). La Galerie Mondo m’a commandé un troisième projet sur Shining. J’ai également une affiche à décliner sur Jaws, une autre sur Les Chaussons rouges de Michael Powell. Dans les sorties en 2021, j’ai réalisé l’affiche de La Dernière Tentation des Belges de Jan Bucquoy. J’ai également deux expositions. La première sur le thème du monstre, avec celles de Frankenstein, The Wolfman et The Mummy, dans La maison d’Ailleurs en Suisse, musée de la Science-Fiction et de l’Utopie.
La seconde, plus importante, est une rétrospective au MIMA à Bruxelles sur la narration dans l’image, qui démarrera en juin 2021 et durera six mois. À terme, je serais heureux de montrer mon travail dans les institutions culturelles, comme le Forum des Images. Une exposition doit être une expérience. Le cinéma est une expérience, les affiches doivent être une expérience de l’expérience. C’est important.