Image de Les sautoirs « hippies chic » de Carole Villiers 
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Les sautoirs « hippies chic » de Carole Villiers 

Par Fanny Revault

Curieuse de découvrir le monde, Carole Villiers arpenta les routes lointaines et inconnues du Pakistan au Maroc. Cette rencontre avec ces pays de lumière façonna très jeune son regard. Déterminée, rebelle, passionnée, la jeune femme s’aventura partout sur ces chemins, avec son objectif en mains, pour saisir sur le vif la singularité des arts locaux. De là, elle présenta, lors d’expositions, ses photographies de trucks-art, superbes camions pakistanais aux teintes vives et bariolées, ornées de motifs floraux et de calligraphies. Son amour pour les formes et couleurs ne la quittera plus. Aujourd’hui, elle présente une collection de bijoux, inspirée de cet air oriental. Ces sautoirs, « hippies chic » comme elle les nomme, aux ornementations colorées et délicates sont une ode à la vie ! Rencontre avec la talentueuse créatrice. 

Vous avez exploré le monde, voyagé du Pakistan au Maroc… Comment vous est venu cet amour de l’Orient ?

Cet attachement remonte à ma plus tendre enfance. Je vivais à Reims, une ville plutôt austère, à part le champagne. Ma grand-mère habitait Marrakech et, dès mes premières années, elle m’a fait rêver de l’Orient : le ciel bleu, la lumière, les palmiers… Je venais régulièrement lui rendre visite. Elle s’était mariée en 1950, et c’est Jacques Majorelle lui-même qui avait été le témoin de son mariage.
Lorsque je quittais Reims, la Champagne pouilleuse et crayeuse sous la pluie, et que j’arrivais à Marrakech, sur la place Jemaa el-Fna où se trouvaient les charmeurs de serpents, les diseuses de bonne aventure, toutes ces lumières, ces odeurs, ces couleurs… j’étais complètement envoûtée. Et je le suis encore aujourd’hui.
J’ai donc grandi bercée par Marrakech et sa lumière. Très vite, vers 19 ou 20 ans, je n’avais qu’une envie : partir en voiture et voyager en Inde, au Pakistan, en Irak… Nous étions dans les années 1972-1975, une époque où l’on pouvait voyager librement : pas de guerre, une sécurité totale.


Vous avez réalisé plusieurs expositions de photographies de truck art prises lors de vos séjours au Pakistan. Comment cette aventure pour l’art a-t-elle commencé ?


Ma sœur était partie avant moi, en auto-stop avec son compagnon de l’époque. Arrivée au Pakistan, elle y a rencontré un producteur de cinéma pakistanais qu’elle a épousé. Ils ont eu deux enfants, dont ma nièce, aujourd’hui grande actrice en Inde. J’ai toujours rêvé de ces pays et je les aime profondément. J’y retourne d’ailleurs chaque année.
Un jour, j’ai pris la route en 4L pour aller retrouver ma sœur. Je suis restée un an sur place et c’est là que j’ai découvert les camions pakistanais et le truck art. Je suis tombée amoureuse de ces camions.

Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est le trucks art ? Un art assez méconnu des Européens…

On connaît peu cet art au Pakistan, mais ce sont de véritables œuvres d’art. Les camions circulent entre l’Iran, l’Afghanistan, la Chine et l’Inde. Comme il n’existe pas de réseau ferroviaire, tout le transport se fait par camion. Les propriétaires investissent beaucoup d’argent pour les embellir : pompons, bijoux, peinture…
J’ai beaucoup photographié et exposé ce travail au Maroc, en Belgique, en Suisse, à Doha et à Dubaï. Je crois être l’une des premières Européennes à avoir présenté ce sujet, car il ne s’agit pas de pays faciles d’accès.
Chaque camion porte un message d’amour, de poésie, ou encore des répliques de films, car les chauffeurs sont de grands amateurs de cinéma. Ces véhicules ne transportent pas seulement des marchandises, ils véhiculent aussi l’âme et la personnalité de leur propriétaire.

Cet art est coloré, joyeux et signifiant. Les couleurs et les motifs du truck art ont-ils alimenté votre imagination ? Comment ce coup de cœur a-t-il rejoint vos créations de bijoux ?

À travers le truck art, j’ai découvert les artisans qui travaillent les broderies, les pompons, les petites médailles. Peu à peu, à leur contact, je me suis de plus en plus intéressée à leurs créations. Je passais des heures dans les bazars à observer, chiner… Et, il y a deux ans, j’ai pensé : “Pourquoi ne pas créer de jolis colliers ?”
J’ai alors imaginé de grands sautoirs colorés, un peu hippie chic, inspirés des camions. J’ai commencé à acheter divers accessoires et à fabriquer moi-même mes colliers. Aujourd’hui, comme les camions, chaque collier est unique.


Qu’aimez-vous dans les bijoux ? Comment décririez vos créations ?

J’aime particulièrement les sautoirs riches et travaillés, à la manière orientale. Ce ne sont pas des pierres précieuses, mais des pièces de fantaisie soigneusement choisies. Je m’inspire aussi beaucoup des bijoux indiens, très colorés et chargés, riches en matières et en textures.
C’est un univers joyeux, éclatant, plein de vie — avec du bling-bling, des dorures, des pompons. J’aime tout ce qui est gai et coloré. D’ailleurs, même si aujourd’hui je suis habillée en blanc, je porte presque toujours des couleurs vives. Au Maroc, j’ai toujours eu ce côté oriental, parfois même un petit air de sari.

C'est un univers joyeux, éclatant, plein de vie.

Carole Villiers